Mathématiques pour les IFS, fractales & jeu du chaos
Cadre mathématique et démonstrations
Distances
Une distance est une application sur un ensemble et à valeurs positives qui vérifie les trois propriétés:
- (symétrie)
- (séparation)
- Pour tous , et , (inégalité triangulaire)
Par exemple, en géométrie dans le plan , la distance entre les points et est bien sûr une distance au sens mathématique:
- pour tout point ,
Si le plan est rapporté à un repère orthonormé, et que et , alors
est une distance, la distance euclidienne.
On peut définir de nombreuses distances, suivant le contexte, les éléments dont on cherche à mesurer la distance: distances entre des points, entre des fonctions, entre des matrices, … et aussi, ce qui nous intéresse plus ici, entre des ensembles géométriques de points (c'est-à-dire des figures géométriques, ou encore des images).
Distance et norme
Un espace normé est un espace muni d'une norme, un espace métrique est lui muni d'une distance.Une norme, notée en général , induit immédiatement une distance par la relation .
La réciproque n'est par contre pas toujours vraie: une distance peut ne pas découler d'une norme.
En d'autres termes, un espace normé est nécessairement aussi métrisé (ou métrique), par contre un espace métrique n'est pas toujours normé.
La notion de norme est plus fine que celle de distance.
Une distance entre éléments d'un espace permet par contre aussi d'induire un distance entre des ensembles d'éléments: c'est la distance de Hausdorff.
Distance de Hausdorff
Définition et propriété
En traitement d'image par exemple, on cherche à donner un sens à la proximité de deux images entre elles: deux images, par exemple une floue et la même filtrée et plus nette, sont elles "proches" entre elles.
Plus précisément sur une série d'images filtrées et traîtées, laquelle est la plus "proche" de l'image souhaitée.
Comment quantifier cette "proximité" ? Comment vérifier que deux motifs, ou parties d'images sont identiques ?
Une distance est un outil mathématique qui permet exactement de définir la notion de proximité.
La distance de Hausdorff est une distance qui permet de mesurer la différence entre des ensembles, de points par exemple (c'est à dire des images).
Pour définir cette distance de Hausdorff, on a besoin de la définition de la distance d'un point à un ensemble, puis de celle de voisinage d'un ensemble.
Définition: distance d'un point à un ensemble
La distance d'un point à un ensemble est la plus petite des
distances entre et les points de :
Définition: Voisinage
On appelle voisinage, ou d'un ensemble de points du plan
l'ensemble des points
Définition: distance de Hausdorff
La distance de Hausdorff entre deux ensembles et est
définie par
La distance de Hausdorff est définie à partir de la notion de voisinage, qui elle-même est dépend de la distance dans l'espace considéré.
La distance de Hausdorff n'est pas une distance sur tous les ensembles; par exemple, pour des ensembles de points non-bornés, la distance de Hausdorff n'est pas définie (ou vaut dans ce cas l'infini).
Par contre, en se limitant aux ensembles compacts, qui sont dans le plan les ensembles fermés et bornés, la distance de Hausdorff définie bien une distance: en notant l'ensemble des ensembles compacts de ,
Propriété: La distance de Hausdorff est une distance
sur .
Démonstration.
Il faut démontrer les trois propriétés d'une distance.
- Symétrie: elle est évidente, la définition de la distance étant
elle même symétrique:
.
- Séparation: Supposons et sont deux ensembles
compacts tels que .
Cela signifie que pour tout , on a (et de même ).
Prenons par exemple , tel que .
Alors, il existe tel que .
Comme pour tous entiers et on a d'après l'inégalité triangulaire , la suite est de Cauchy. Comme on est dans un espace complet, cette suite converge, ce qui signifie qu'il existe tel que .
Enfin, comme est compact, et que pour tout , , on a aussi que .
Ainsi, en passant à la limite, on obtient soit donc .
Finalement, on a donc .
En raisonnant de même en interchangeant et , on obtient aussi , et donc .
- Inégalité triangulaire:
soit , et trois ensembles compacts,
on cherche à montrer que,
.
On note , et .
On a alors et .
Ainsi,
Or d'après le lemme suivant.
Ainsi, .
De même, on arrive symétriquement à .
On a ainsi, .
Lemme:
Pour tout ensemble , et et ,
on a
.
Démonstration.
Soit ,
alors il existe tel que
.
De même, comme , il existe tel que .
D'après l'inégalité triangulaire, on a , ce qui signifie que .
De même, comme , il existe tel que .
D'après l'inégalité triangulaire, on a , ce qui signifie que .
Exemples
Exemple 1:
On cherche par exemple la distance de Hausdorff entre les ensembles et suivants, le carré et le disque :
On trace le plus petit voisinage de contenant , et de même le plus petit voisinage de contenant :
On a ici et mais
Par contre et .
Ainsi, .
Exemple 2: La distance de Hausdorff est une distance sur , l'ensemble des compacts (ou fermés bornés, dans le plan), pas sur , l'ensemble des parties de .
Par exemple, si est le carré unité ouvert: , et le carré unité fermé: , on a , mais bien sûr .
Application contractante
Une application contractante est une application qui rapproche les points, c'est-à-dire que les images de deux points sont plus proches que les points eux-même. Plus précisément,
Définition: application contractante
Une application est contractante
si il existe un nombre réel tel que, pour tous et ,
Il faut ici faire attention à la distance utilisée. Ce n'est pas forcément la même distance à gauche et à droite de l'inégalité précédente. La distance euclidienne peut être utilisée s'il s'agit de distance entre points du plan, celle de Hausdorff pour des ensembles de points.
L'opérateur de Hutchinson est contractant
On peut maintenant revenir sur l'opérateur de Hutchinson.
Propriété: L'opérateur de Hutchinson est contractant
sur pour la distance de Hausdorff.
Pour démontrer cette propriété, qui est la propriété fondamentale garantissant l'existence et l'unicité de l'attracteur d'un IFS, on a besoin de résultats intermédiaires.
Lemme 1:
Pour tous ensemble et , et réel ,
on a .
Démonstration.
Soit .
et jouant des rôles symétriques, on peut supposer
.
Il existe donc tel que .
Mais alors, on a aussi et toujours , ce qui signifie que .
Il existe donc tel que .
Mais alors, on a aussi et toujours , ce qui signifie que .
Lemme 2:
Soit une contraction du plan de rapport ,
alors, pour tous ensembles et ,
Démonstration.
On pose .
Soit , alors il existe tel que .
Comme , on a , et donc il existe tel que . On pose alors et on a, comme est -contractante,
En d'autres termes, on a trouvé que pour tout , il existe tel que , d'où .
De même, en inversant les rôles de et , on aboutit à .
On a donc finalement, .
Soit , alors il existe tel que .
Comme , on a , et donc il existe tel que . On pose alors et on a, comme est -contractante,
En d'autres termes, on a trouvé que pour tout , il existe tel que , d'où .
De même, en inversant les rôles de et , on aboutit à .
On a donc finalement, .
Lemme 3:
Pour tous compacts et du plan,
Démonstration.
On pose
et .
On a alors, par définition de la distance de Hausdorff,
et de même
et donc, en notant ,
et de même
Or, d'après le lemme 1,
et donc,
et de même
et on a donc,
On a alors, par définition de la distance de Hausdorff,
et de même
et donc, en notant ,
et de même
Or, d'après le lemme 1,
et donc,
et de même
et on a donc,
On peut maintenant démontrer la propriété fondamentale sur l'opérateur de Hutchinson.
Démonstration.
Soit et deux ensembles compacts du plan, alors
soit, en utilisant le lemme 3,
avec et .
Or, comme est -contractante, d'après le lemme 2, , d'où
On continue avec les ensemble et :
avec et d'où, à nouveau à l'aide du lemme 3,
avec, d'après le lemme 2, .
En poursuivant ainsi, on arrive donc enfin à:
avec .
soit, en utilisant le lemme 3,
avec et .
Or, comme est -contractante, d'après le lemme 2, , d'où
On continue avec les ensemble et :
avec et d'où, à nouveau à l'aide du lemme 3,
avec, d'après le lemme 2, .
En poursuivant ainsi, on arrive donc enfin à:
avec .
Théorème du point fixe
Il existe de nombreux théorèmes du point fixe en analyse. Ils permettent de démontrer l'existence et l'unicité d'une solution à des problèmes, en fournissant de plus une méthode constructive pour les déterminer (ou du moins en donner une approximation, avec une précsion souhaitée).
Le théorème du point fixe utilisé ici est celui de Banach, ou de Picard, et se place dans un espace métrique complet.
Un espace métrique est un espace dans lequel on peut mesurer, c'est-à-dire muni d'une distance telle que vue précédemment. On note justement cette distance dans le théorème suivant.
Théorème du point fixe de Banach / Picard:
Une application contractante dans un espace métrique complet
admet un unique point fixe, c'est-à-dire un unique tel que .
De plus, est la limite de toute suite définie par récurrence selon .
On a de plus alors les majorations
et
où est le rapport de contraction de .
De plus, est la limite de toute suite définie par récurrence selon .
On a de plus alors les majorations
et
où est le rapport de contraction de .
Démonstration:
Ce théorème donne deux résultats:
l'existence et l'unicité du point fixe .
On démontre les deux séparemment.
On démontre les deux séparemment.
- Unicité. Supposons au contraire qu'il y ait deux points fixes
et : et avec .
On aurait alors or, comme est contractance de rapport , on a aussi .
On devrait donc avoir ce qui est impossible.
Ainsi, si un point fixe existe, il est nécessairement unique.
- Existence.
L'existence se démontre par le procédé construcif même utilisé tout au long de ces pages: soit une suite définie par récurrence par .
Alors on, our tout entier et
avec, comme , .
Ceci montre que la suite est une suite de Cauchy, et alors, comme on est dans un espace complet, la suite converge donc vers une limite .
Par unicité du point fixe, on voit donc que ce procédé constructif ne dépend pas du point initial de la suite: pour tout la suite ainsi définie converge, vers le point fixe de .