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Furtivité

Des objets invisibles aux yeux des radars [1]





Remarque: Les animations présentées sur cette page proviennent de calculs numériques et informatiques quelques peu lourds et longs. Patience donc lors du chargement de celles-ci et donc de la page complète.


Problème général de la diffraction d'ondes par des objets

Le problème général de la propagation et de la diffraction d'ondes peut se présenter de la manière suivante: une source S (un radar par exemple) émet une onde; l'onde se propage dans l'espace et se réfléchit partiellement sur les obstacles présents (ici O1 et O2, en bleu et en vert).
Schéma général de l'étude de la propagation et de la diffraction d'ondes
Figure 1:
Schéma général de l'étude de la propagation et de la diffraction d'ondes
Les modélisations physique et mathématique ont pour objectif la détermination de l'amplitude de l'onde résultante en tout point de l'espace, et donc par exemple au niveau d'un détecteur placé en S.
Ces modélisations et leur résolution dépendent de nombreux paramètres, tels que le type d'ondes émises, leur longueur d'onde, la géométrie des obstacles ainsi que leur nombre, leur position, leur composition, ...

Il s'agit ici du problème dit direct: on connaît la source, les obstacles ainsi que les paramètres physiques, et on cherche alors à déterminer les caractéristiques de l'onde résultante dans l'espace.
Une bonne maîtrise de ce type de problème permet d'aborder les problèmes dits inverses (déterminer la position et la nature des obstacles connaissant l'onde émise en S et l'onde résultante: il s'agit par exemple des problèmes d'imagerie tels que l'échographie), ou encore d'autres variantes plus spécifiques telle que celle du contrôle de l'écho radar d'un objet (ou encore furtivité: connaissant l'onde émise, quelle forme et quel matériau doit-on utiliser pour que notre objet perturbe le moins possible les ondes émises par le radar, et soit donc le moins "visible" possible).




Les équations physique et mathématique qui régissent le comportement des différents types d'ondes sont bien connues depuis relativement longtemps.
Figure 2:
Simulation de la diffraction d'ondes par deux objets, et mesure du signal reçu (écho radar).
Simulation de la propogation et diffraction d'une onde par deux obstacles

Par exemple, le comportement des ondes électromagnétiques (comme la lumière visible, les ultraviolets, les rayons X et gamma, ou encore les ondes hertziennes utilisées pour transmettre la radio ou les communications sans fils telles que celles des téléphones portables) sont connues depuis environ un siècle et demi, vers 1870, lorsque l'écossais James Clerck Maxwell les a établies.
Ces équations sont bien connues, certes, et depuis longtemps, mais encore faut-il pouvoir les résoudre.
Il s'agit là d'un problème compliqué auquel on ne sait répondre en théorie et explicitement qu'en des cas très particulier. Dans les autres cas on cherche numériquement et informatiquement des valeurs approchées de notre solution.
Un des objectifs de l'étude mathématique dans ce cas est alors justement de s'assurer que les valeurs numériques calculées sont bien proches des valeurs réelles recherchées.

Simulation numérique d'un écho radar et problématiques radar


Ci-contre, un exemple de simulation correspondant à la situation schématisée figure 1 ci-dessus. Cette simulation, ainsi que les suivantes, est issue de calculs numériques réalisés selon la méthode des différences finies, décrite sur cette page.

Une source, située dans le coin en bas à gauche, émet une onde pendant un laps de temps dans l'espace dans lequel se trouvent deux objets.
Ces deux objets pertubent la propagation de l'onde, et en renvoient une partie vers la source.
La courbe en dessous trace à chaque instant la valeur de l'amplitude du champ au niveau de la source:

  • la première partie est sinusoïdale: c'est l'amplitude du champ émis;
  • ensuite l'amplitude devient quasi-nulle: la source cesse d'émettre, et l'écho sur les cibles n'a pas encore eu le temps de lui parvenir;
  • enfin, l'écho provoqué par les obstacles s'est rétro-propagé jusqu'à la source. L'amplitude de l'onde, après un aller-retour, s'est grandement atténuée, mais la présence d'obstacles dans l'espace apparaît néanmoins assez nettement d'après ces mesures.


En observant ces résultats, plusieurs questions peuvent se poser et plusieurs types de problèmes peuvent être dégagés:
A partir de la mesure de cet écho,
  • Peut-on situer et dénombrer le nombre d'objet présents devant le radar ?

  • Peut-on remonter à des informations plus précises sur la nature de ces objets, comme leur forme, leur nature, les matériaux qui les constituent, ... ?

  • Quels sont les moyens que l'on pourrait mettre en œuvre de manière à diminuer significativement les échos de ces objets, de manière à les rendre "invisible" par ce type de moyen de détection ?


Dans le cas où un seul objet est présent devant le radar, comme dans la figure 3 ci-dessous, on peut effectivement déterminer sa distance au radar, connaissant la vitesse de propagation des ondes (pour des ondes électromagnétiques, la vitesse de la lumière, soit 300 000 km/s) et le temps mis par les ondes pour faire un aller-retour radar/objet.
Figure 3:
Mesure par simulation de l'écho radar d'un objet
Mesure par simulation de l'écho radar d'un objet


D'une manière plus générale, les deux premiers problèmes sont des problèmes difficiles et posent la question suivante: l'écho radar mesuré de la ou des cibles est-il caractéristique de celle(s)-ci ?.
En d'autres termes, deux objets différents produisent-ils forcément des échos différents ?
En fait, l'information contenue dans l'écho mesuré dans une seule direction est trop faible pour pouvoir faire cette affirmation (et la démontrer mathématiquement !).
Utilisé de cette manière, un radar seul a un fonctionnement binaire: soit le signal reçu est quasi-nul et on décide que rien ne se trouve dans l'espace face à lui, soit un signal avec une amplitude significative est capté signifiant qu'un objet est présent, et dont on peut éventuellement déterminer la distance au radar.

On peut par contre effectivement arriver à reconstruire la forme de l'objet présent devant le radar si on connaît ces échos dans toutes les directions autour de l'objet.
Cette situation est-bien sûr inenvisageable pour un avion par exemple (il faudrait ainsi entre autres positionner des radars en l'air au dessus de l'avion ...), mais est plus intéressante dans des problèmes d'imagerie, médicale par exemple. Dans ce cas on peut effectivement disposer des capteurs tout autour de l'objet (du patient...) pour déterminer la forme et la nature d'un corps particulier.



La question de la discrimination de l'objet par son écho radar est intimement liée à celle, contraire, de la furtivité de l'objet.
La caractéristique de furtivité d'un objet concerne sa discrétion, ou son invisibilité face aux radars.

Le cube de la figure 3 est par exemple loin de pouvoir être considéré comme furtif. En effet, une face du cube se présente perpendiculairement à la direction du radar, un maximum d'énergie de l'onde incidente est diffracté directement vers le radar (cette réflexion orthogonale à la face de l'objet est dite spéculaire, et constitue en quelques sortes un des pires ennemis pour un objet que l'on souhaite furtif).



Traitement absorbant et/ou actif


Une idée pour diminuer cet écho est de chercher à absorber l'onde incidente. Ceci peut se faire en jouant sur les matériaux recouvrant l'objet.
Figure 4:
Diminution de l'écho radar d'un objet par un traitement actif
Simulation de l'écho radar d'un objet avec un traitement actif


Les résultats d'une simulation du cube précédent de la figure 3, sur lequel a été ajouté une couche absorbante sur la face en regard de la source, se trouvent sur la figure 4.

On peut aussi penser à un traitement actif, c'est-à-dire à un ensemble de capteurs (d'antennes) sur la surface de l'objet détectant l'amplitude et la phase de l'onde incidente à chaque instant, puis fournissant électroniquement un signal qui lui est directement opposé (en opposition de phase plus précisément).
Ainsi, à chaque instant l'onde totale réémise par l'objet, somme de l'onde incidente provenant du radar et de celle émise directement par l'objet, est nulle: aucun écho ne parvient jusqu'au radar.



Géométrie de l'objet


Le cube de la figure 3 renvoie une grande partie de l'énergie de l'onde incidente en direction inverse (donc directement vers le radar) à cause de sa face perpendiculaire à la direction incidente.
Pour diminuer cette énergie renvoyée, on peut donc assez simplement penser à changer cette géométrie.
Par exemple, la forme conique de l'objet sur la figure 5 permet de diffracter l'onde incidente provenant du radar dans des directions autres que celle précisément du radar: le signal capté par celui-ci en retour est donc significativement amoindri.
Figure 5:
Diminution de l'écho d'un objet en jouant sur sa forme
Simulation de l'écho radar d'un objet avec une forme furtive




L'optique géométrique et ses limites


L'analyse précédente, bien que assez simpliste, permet de réduire significativement l'écho radar d'un objet.
Cette analyse repose sur la représentation des trajets des ondes électromagnétiques en rayon, et ainsi sur les lois de l'optique géométrique.
En accord avec ces lois, les ondes se propagent suivant des trajets rectilignes. Dans les deux cas de figure précédent, pour une forme carrée et pour une forme triangulaire, on a donc les deux types de trajets donnés sur la figure 6.
Réflection spéculaire sur un objet Réflection sur un objet Loi de la réflection de Snell-Descartes de l'optique géométrique
Figure 6:
Trajets de rayons lumineux sur un objet carré et triangulaire.

Sur l'objet carré, les ondes incidentes sont perpendiculaires à la face de l'objet, et sont donc réfléchies essentiellement vers la source: l'écho radar est important (cf. simulation figure 3).
Pour l'objet triangulaire, les ondes incidentes sont réfléchies dans des directions autres que celle de la source: l'écho radar est donc diminué (cf. simulation figure 5).
Le trajet des rayons suit la loi de Snell-Descartes de l'optique géométrique (à droite): l'angle d'incidence est le même que celui de réflection.

La propagation des ondes électromagnétiques est décrites par les équations de Maxwell. Ces équations sont difficiles à résoudre dans la plupart des cas réels. Si l'optique géométrique offre une alternative à ces équations, et des outils simples pour analyser le comportement de ces ondes, elle ne permet néanmoins pas d'en rendre complètement compte. En effet, si tel était le cas, dans la simulation de la figure 5, aucune onde ne serait réfléchie en direction de la source et l'écho radar serait nul comme le montre le trajet des rayons schématisé figure 6.
Une onde électromagnétique est caractérisée par sa fréquence, ou de manière équivalente, par sa longueur d'onde.
L'optique géométrique ne permet pas de rendre compte des phénomènes de diffraction: lorsqu'une onde interagit avec un ou des obstacles dont la taille est de l'ordre de grandeur de sa longueur d'onde, le comportement ondulatoire donne lieu à des phénomènes d'interférence (par exemple dans l'expérience des fentes d'Young, ou encore de la diffraction par un trou circulaire de petite taille).
On peut montrer que les lois de l'optique géométrique sont une approximation au premier ordre des équations de Maxwell lorsque la fréquence des ondes étudiées tend vers l'infini. C'est bien le cas pour des ondes lumineuses, qui ont une fréquence très élevée (de l'ordre de 4.1012Hz pour le rouge jusqu'à 7.1012Hz pour le violet). Par contre, cette hypothèse peut clairement être mise en défaut pour les fréquences auxquelles fonctionnent des radars (de l'ordre du GHz, voire du MHz).
Dans ce cas, il faut
  • soit trouver des développements plus précis que l'optique géométrique (des développements alors au deuxième, troisième, ..., ordre), comme en fournit l'optique physique,
  • soit se lancer dans la résolution directe des équations de Maxwell. Des exemples de telle simulation sont donnés dans les figure 3, figure 4, figure 5.





Applications: le F-117 Nighthawk et le B-2 Spirit, avions furtifs de l'US Air Force

Ces idées sont par exemple mis en œuvre dans la conception et la réalisation de l'avion furtif de l'US Air Force, le F-117 Nighthawk.

Sa forme a été étudiée de telle manière que les ondes qui lui parviennent vers l'avant (d'où serait situé logiquement un radar) soient réfléchies au mieux dans les autres directions (vers le haut principalement, c'est-à-dire dans une direction où il y a peu de chance que s'y trouve un radar de détection).
Avion furtif de l'US Air Force : F-117 Nighthawk Avion furtif de l'US Air Force : F-117 Nighthawk
Source http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:US_Air_Force_F-117_Nighthawk.jpg
Le bombardier B-2 Spirit, construit par Northrop, repose sur les mêmes principes que le F-117. Néanmoins, étant plus récent, ses formes sont plus abouties, et les arêtes "anguleuses" remplacées par des courbes.
De plus, si la contrainte de furtivité est restée essentielle dans sa conception, les progrès réalisés par les matériels informatiques et les connaissances scientifiques (mathématiques, physique et informatique) ont permis d'améliorer très nettement son aérodynamisme.
Avion furtif de l'US Air Force : B-2 Spirit Avion furtif de l'US Air Force : F-117 Nighthawk
Source http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:USAF_B-2_Spirit.jpg


Programmes Matlab des simulations

  • Matlab iconeScript Matlab de l'animation de la figure 2.: Simulation de la diffraction d'ondes par deux objets, et mesure du signal reçu (écho radar).
  • Matlab icone Script Matlab de l'animation de la figure 3.: Mesure par simulation de l'écho radar d'un objet.
  • Matlab icone Script Matlab de l'animation de la figure 4.: Diminution de l'écho radar d'un objet par un traitement actif
  • Matlab icone Script Matlab de l'animation de la figure 5.: Diminution de l'écho d'un objet en jouant sur sa forme



[1] Pour en savoir plus: Décomposition en courants caractéristiques. Application à l'analyse de SER en texte intégral à cette adresse , ou à celle-ci.




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