Eclair électrique: modélisation et simulation

Y. Morel



Éclair éléctrique

Généralités

Dans certaines conditions météorologiques, différentes régions (nuages, sol) peuvent présenter des charges électriques très importantes et surtout très différentes.
À partir d'un certain seuil, écart de charges entre deux régions distinctes, un arc électrique se forme reliant justement les deux régions.
Cet arc électrique est alors un canal conducteur qui permet un transfert de charges, et donc tend à diminuer la différence trop importante de charge.
L'apparition de cet arc électrique a lieu à partir d'un certain cahmp électrique, dit champ électrique de claquage ou encore champ disruptif est modélisé par loi de Paschen cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Paschen .
La loi de Paschen est une loi empirique qui relie la cette tension de claquage aux caractéristiques du milieux isolant telles que pression et distance.

En d'autres termes, par exemple, si pendant un orage on mesure la charge électrique dans les nuages et la pression atmosphérique, on peut calculer par la loi de Paschen si la foudre (éclair entre nuages et le sol) se forme ou non.

Modélisation d'un éclair


Un éclair est donc un chemin électrique qui se forme entre deux régions, initialement de charges électriques différentes.
On modélise alors la situation par celle d'un condensateur, c'est-à-dire deux electrodes chargées differemment et séparées par du vide:
\[\begin{pspicture}(-.5,-.5)(4.5,2.5)
\psline[linewidth=2.5pt](0,2)(3,2)
\rput[l](3.2,2){$V=0$}
\psline[linewidth=2.5pt,linecolor=red](0,0)(3,0)
\rput[l](3.2,0){$V=1$}
\rput(1.5,1){$\Delta V=0$}
\end{pspicture}\]

Le potentiel électrique est alors solution de l'équation de Poisson dans l'espace inter-électrodes:
ΔV = 0
avec les conditions imposées V = 0 et V = 1 seulement sur les électrodes.

On suppose que le seuil du champ disruptif est atteint, et donc qu'un chemin conducteur (un éclair donc !) se forme pour relier les deux électrodes. Une façon de modéliser et calculer ce chemin peut se faire de proche en proche, par itérations successives, de la façon suivante.

Construction de l'éclair

Discrétisation: grille de calcul


À tout moment, l'équation de Poisson qui régit le potentiel électrique doit être respectée. Pour ce faire, numériquement, on discrétise donc notre domaine de calcul à l'aide d'une grille
\[\psset{arrowsize=6pt}\begin{pspicture}(-2.3,-2.3)(10.5,10.5)
\multido{\i=0+1}{2}{
  \psline(\i,0)(\i,2.2)
  \psline[linestyle=dashed](\i,-1)(\i,8)
  \psline(\i,8)(\i,10)
  \psline(0,\i)(2,\i)
  \psline[linestyle=dashed](2,\i)(8,\i)
  \psline(8,\i)(10,\i)
}
\multido{\i=9+1}{2}{
  \psline(\i,0)(\i,2.2)
  \psline[linestyle=dashed](\i,-1)(\i,8)
  \psline(\i,8)(\i,10)
  \psline(0,\i)(2,\i)
  \psline[linestyle=dashed](2,\i)(8,\i)
  \psline(8,\i)(10,\i)
}
%
\psline(2,0)(2,1.2)\psline[linestyle=dashed](2,-1)(2,10)
\psline(0,2)(1.2,2)\psline[linestyle=dashed](1.2,2)(10,2)
\psline(5,0)(5,10)\psline(0,5)(10,5)
\psline(4,0)(4,10)\psline(0,4)(10,4)
\psline(6,0)(6,10)\psline(0,6)(10,6)
\psline{<->}(0,-1.6)(1,-1.6)\rput(0.5,-2){$h$}
\rput(0,-1.3){$x_0$}\rput(1,-1.3){$x_1$}
\psline{<->}(1,-1.6)(2,-1.6)\rput(1.5,-2){$h$}
\rput(2,-1.3){$x_2$}
\psline{<->}(4,-1.6)(5,-1.6)\rput(4.5,-2){$h$}
\psline{<->}(5,-1.6)(6,-1.6)\rput(5.5,-2){$h$}
\rput(10,-1.3){$x_n$}
\psline[linestyle=dashed](5,-1)(5,0)\rput(5,-1.3){$x_i$}
\psline[linestyle=dashed](4,-1)(4,0)\rput(4,-1.3){$x_{i-1}$}
\psline[linestyle=dashed](6,-1)(6,0)\rput(6,-1.3){$x_{i+1}$}
%
\psline[linestyle=dashed](-1,0)(10,0)
\psline[linestyle=dashed](-1,1)(10,1)
\psline[linestyle=dashed](-1,2)(10,2)
\psline{<->}(-1.8,0)(-1.8,1)\rput(-2,.5){$k$}
\rput(-1.3,0){$y_0$}\rput(-1.3,1){$y_1$}
\psline{<->}(-1.8,1)(-1.8,2)\rput(-2,1.5){$k$}
\rput(-1.3,2){$y_2$}
\psline{<->}(-1.8,4)(-1.8,5)\rput(-2,4.5){$k$}
\psline{<->}(-1.8,5)(-1.8,6)\rput(-2,5.5){$k$}
\psline[linestyle=dashed](-1,10)(1,10)\rput(-1.3,10){$y_n$}
\psline[linestyle=dashed](-1,5)(0,5)\rput(-1.3,5){$y_j$}
\psline[linestyle=dashed](-1,4)(0,4)\rput(-1.3,4){$y_{j-1}$}
\psline[linestyle=dashed](-1,6)(0,6)\rput(-1.3,6){$y_{j+1}$}
% Electrodes
\psline[linewidth=3pt,linecolor=black](0,10)(10,10)\rput[l](10.3,10){$V=0$}
\psline[linewidth=3pt,linecolor=red](0,0)(10,0)\rput[l](10.3,0){\red $V=1$}
\end{pspicture}\]



Construction de l'éclair: chemin conducteur entre les électrodes


L'éclair constitue un chemin conducteur reliant les deux électrodes. On va construire ce chemin, point par point, étape par étape.

À une étape, le chemin (ou l'éclair partiel) est par exemple
\[\begin{pspicture}(-.6,-.6)(10.6,8.6)
\multido{\i=0+1}{9}{
  \psline[linestyle=dashed](\i,-.3)(\i,8.3)
  \psline[linestyle=dashed](-.3,\i)(8.3,\i)}
\multido{\i=0+1}{9}{\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=red](\i,8){.2}}
\rput[l](8.8,8){\red\bf$V=0$}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=red](4,7){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=red](4,6){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=red](5,6){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=red](5,5){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=red](5,4){.2}
\end{pspicture}\]


La construction se fait ensuite, à l'étape suivante, en suivant et respectant trois règles.

Équation de Laplace


Le potentiel électrique V respecte à chaque étape l'équation de Poisson ΔV = 0, soit, en posant Vi, j = V (xi , yj)   (voir là, pour les détails sur l'équation de Poisson et sa discrétisation)
Vi,j = 1/4 Vi+1, j + Vi−1, j + Vi, j+1 + Vi, j−1
et les conditions au niveau des électrodes
i ,   Vi, n = 0 i ,   Vi, 0 = 1
À chacun des points de l'éclair, comme ils constituent physiquement un même chemin conducteur, le potentiel électrique est le même et est nul, soit pour tout couple (xi , yj) correspond à un point appartenant à l'éclair
Vi, j = 0

Construction itérative


On construit ce chemin itérativement, étape par étape et de proche en proche. On cherche donc à ajouter un nouveau point à ceux précédents.
Les nouveaux points potentiels sont les voisins, en vert sur la figure suivante:
\[\begin{pspicture}(-.6,-.6)(8.6,8.6)
\multido{\i=0+1}{9}{
  \psline[linestyle=dashed](\i,-.3)(\i,8.3)
  \psline[linestyle=dashed](-.3,\i)(8.3,\i)}
\multido{\i=0+1}{9}{\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=red](\i,8){.2}}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=red](4,7){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=red](4,6){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=red](5,6){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=red](5,5){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=red](5,4){.2}
%
\multido{\i=0+1}{9}{\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](\i,7){.2}}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=red](4,7){.2}  
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](3,6){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](4,5){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](4,4){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](5,3){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](6,4){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](6,5){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](6,6){.2}
\end{pspicture}\]

Il reste à choisir le nouveau voisin parmi tous ces candidats.

Choix du nouveau voisin


On considère que le choix du nouveau point se fait aléatoirement, et qu'un point est choisi avec une probabilité d'autant plus grande que la différence de potentiel électrique entre ce point et son voisin dans l'éclair est plus grande.

Pour chaque point (i, j) du chemin actuel, la probabilité que le voisin (i', j') potentiel soit choisi est donc proportionnel à
(Vi', j'Vi, j)η = (Vi', j')η
car justement on impose pour les points du chemin Vi, j = 0. Le coefficient η est ici un paramètre qui permet de rendre compte de la nature du matériau dans lequel se propage l'éclair.

Enfin, il reste à normaliser ces probabilités pour que leur somme soit égale à 1. La probabilité que le voisin (i', j') soit choisi est donc
pi', j' = (Vi', j')η / ∑(Vi', j')η
la somme au dénominateur portant sur tous les voisins

Voisinage discret et choix du prochain voisin

L'étape clé est le choix du nouveau voisin.
En mathématique, plus précisément en topologie, la notion de voisinage d'un point ou d'un ensemble est définie de manière précise, cf. par exemple la définition du voisinage d'un ensemble.

Une fois notre domaine discrétisé, le voisinage d'un point, et donc d'un ensemble de points, peut se définir de plusieurs manières; les deux plus courantes sont celles du voisinage de Von Neumann et de Moore.

Voisinage de Von Neumann

Le voisinage de Von Neumann d'une cellule est constitué de quatre voisins:
\[\begin{pspicture}(-.6,-.6)(4.6,4.6)
\multido{\i=0+1}{5}{
  \psline[linestyle=dashed](\i,-.3)(\i,4.3)
  \psline[linestyle=dashed](-.3,\i)(4.3,\i)}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=red](2,2){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](1,2){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](2,1){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](3,2){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](2,3){.2}
\end{pspicture}\]

Le voisinage de Von Neumann apparaît naturellement dans l'approximation de l'opérateur Laplacien.

Voisinage de Moore

Le voisinage de Moore d'une cellule est constitué de six voisins:
\[\begin{pspicture}(-.6,-.6)(4.6,4.6)
\multido{\i=0+1}{5}{
  \psline[linestyle=dashed](\i,-.3)(\i,4.3)
  \psline[linestyle=dashed](-.3,\i)(4.3,\i)}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=red](2,2){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](1,2){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](1,1){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](2,1){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](3,1){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](3,2){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](3,3){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](2,3){.2}
\pscircle[fillstyle=solid,fillcolor=green](1,3){.2}
\end{pspicture}\]

Ce voisinage est utilisé dans la programmation des automates cellulaires, ou encore plus ludiquement dans le célèbre jeu du démineur: le chiffre indiqué dans une case indique le nombre de mines présentes dans son voisinage de Moore.

Quelques résultats

L'éclair a une géométrie fractale (c'est d'ailleurs un des objets principaux d'étude dans les référence citées dans la bibliographie ci-dessous).
Le paramètre η rend compte de "la dispersion" de l'éclair. Ce paramètre est utilisé en pratique pour modéiser des milieux de propagation différents: vide ou au travers d'autres matériaux.

Quelques résultats, avec les paramètres utilisés:
Éclair: n = 120 - η = 1
Éclair: n = 150 - η = 1,3
Éclair: n = 150 - η = 2,2


Retour sur le choix du nouveau voisin: autres exemples de problèmes physiques


À chaque étape on doit choisir un nouvel élément, ou une nouvelle cellule.
Le phénomêne étudié entre ici en jeu et pour la modélisation d'un éclair électrique, le respect de l'équation de Poisson est incontournable.

Si on ôte cette équation de Poisson, la sélection à chaque étape du nouveau voisin se fait exclusivement aléatoirement. On décrit ainsi un phénomène de perculation, particulièrement utilisé par exmeple pour modéliser des réseaux de télécommunication: la grille de calcul représente un ensemble de machines qui peuvent transmettre une information et on cherche un chemin d'uen machine à une autre (sachant qu'aléatoirement pour nous, chaque machine peut être en panne ou déjà surchargée, et donc apte ou non à transmettre des informations).

Un autre modèle s'obtient s'obtient en imposant une probabilité plus forte à un élément situé en dessous: cela modélise un effet de gravité, et la percolation (d'où le nom) d'un liquide dans un certai milieu (de l'eau chaude dans du café moulu par exemple).

On peut imaginer là imposer d'autres règles qui orientent les probabilités de choix d'un nouveau voisin, pour d'autres situations et phénomènes (information dans un réseau social, liquidité dans un réseau économique, influx nerveux dans un réseau neuronal, ...).

Bibliographie

  • Fractal Dimension of Dielectric Breakdown, L. Niemeyer, L. Pietronero, and H. J. Wiesmann Phys. Rev. Lett. 52, 1033 – Published 19 March 1984
  • Fractal Nature of Simulated Lightning Channels, Perera, M.D.N. and Sonnadara, D.U.J., 2013. . Sri Lankan Journal of Physics, 13(2), pp.9–25. DOI: http://doi.org/10.4038/sljp.v13i2.5433
  • Simulated three-dimensional branched lightning in a numerical thunderstorm model, Edward R. Mansell, Donald R. MacGorman, Conrad L. Ziegler, Jerry M. Straka Journal of geophysical research Atmosphers, Volume 107, Issue D9, 16 May 2002, Pages ACL 2-1-ACL 2-12




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